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sera peut-être que plus avantageux pour son foyer que le mien soit resté solitaire. »

M. Gilfil était donc célibataire ?

Telle serait peut-être la conclusion à laquelle vous seriez arrivé si vous étiez entré dans son salon, où les tables nues, les vieilles chaises de crin et le tapis usé et continuellement saupoudré de tabac semblaient raconter l’histoire d’une existence solitaire ; histoire que ne démentaient aucun portrait, aucun ouvrage de broderie, aucune de ces jolies bagatelles qui rappellent les doigts effilés et les petites préoccupations féminines. C’est là que M. Gilfil passait ses soirées, rarement avec d’autre société que celle de Ponto, son vieux chien d’arrêt brun, qui, étendu tout de son long sur le tapis, le museau entre les pattes, fronçait le front et soulevait de temps en temps les paupières, pour échanger avec son maître un regard d’intelligence. Mais à la cure de Shepperton il y avait une chambre qui racontait une histoire bien différente ; une chambre où n’entrait jamais personne, excepté M. Gilfil et la vieille Martha, la femme de charge, qui avec son mari, à la fois groom et jardinier, composaient toute la maison du vicaire. Les stores de cette chambre étaient toujours baissés, excepté une fois tous les trois mois, lorsque Martha y entrait pour l’aérer et la nettoyer. Elle demandait à M. Gilfil la clef, qu’il tenait renfermée dans son bureau, et elle la lui rendait dès qu’elle avait fini sa tâche.

Lorsque Martha ouvrait les volets et les rideaux, dans l’encadrement gothique de la fenêtre cintrée, la lumière du jour éclairait un agréable tableau. Sur la table de toilette était un élégant miroir dont le