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conduire lady Sitwell à la salle à manger, ou que vous l’eussiez entendu lui parler avec sa galanterie fine et gracieuse, vous en auriez conclu que la première partie de sa vie s’était écoulée dans une société plus élégante que celle de Shepperton, et que sa conversation facile et l’aisance de ses manières étaient pour lui ce que sont les traces du temps sur un beau bloc d’ancien marbre, qui vous permettent de voir encore, ici ou là, la finesse du grain et la délicatesse de la teinte primitive. Dans les dernières années, ces visites devinrent trop fatigantes pour le Révérend, et on le trouvait rarement le soir en dehors des limites de sa paroisse, mais le plus fréquemment, à la vérité, près du feu de son propre salon, fumant sa pipe et neutralisant de temps en temps la sécheresse de la fumée par une gorgée d’eau mélangée de gin.

Ici je comprends que j’ai couru le risque de déplaire à mes élégantes lectrices et de détruire la curiosité qu’elles pourraient avoir de connaître en détail le roman de M. Gilfil. Du gin et de l’eau ! fi ! vous pourriez aussi bien nous demander de nous intéresser aux amours d’un fabricant de chandelles, qui mêle l’image de sa bien-aimée avec des mèches plongées dans le suif.

Mais, en premier lieu, chères dames, permettez-moi de vous dire que le gin et l’eau, de même que l’obésité, la calvitie ou la goutte, n’excluent point la possibilité d’un roman antérieur, pas plus que les faux cheveux habilement exécutés que vous porterez un jour n’excluront la réalité de vos belles tresses actuelles. Hélas ! hélas ! nous autres mortels, nous ne sommes souvent plus que des cendres qui ne laissent