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enseignement, de telles pensées ne vinrent jamais à l’esprit des habitants de Shepperton, ces mêmes paroissiens qui, dix ou quinze ans plus tard, critiquaient si vivement les discours et la conduite de M. Barton ; mais, dans cet intervalle, ils avaient goûté le fruit dangereux de l’arbre de la science, qui ouvre souvent les yeux d’une manière regrettable. Au temps de M. Gilfil, critiquer le sermon était considéré comme critiquer la religion elle-même. Un dimanche, le neveu de M. Hackit, maître Tom Stokes, jeune étourdi de la ville, scandalisa fortement sa famille en déclarant qu’il pourrait écrire un sermon aussi bien que M. Gilfil ; sur quoi M. Hackit, pour confondre cette présomption, lui promit un souverain s’il pouvait justifier sa vanterie. Le sermon fut écrit, et, quoiqu’on n’admît point qu’il pût égaler ceux du pasteur, il ressemblait si étonnamment à un vrai sermon, ayant un texte, trois divisions et une péroraison commençant par ces mots : « Et maintenant, mes frères », que le souverain, refusé d’abord pour la forme, fut accordé ensuite et le sermon déclaré, lorsque maître Stokes eut tourné le dos, « une chose extraordinairement habile ».

Le Rév. M. Pickard, de la Chapelle indépendante, avait bien prêché contre le manque de foi de M. Gilfil et de ses paroissiens ; mais aucun de ceux qui fréquentaient l’Église établie ne s’approchait à portée de la voix de M. Pickard.

Ce n’était point aux seuls fermiers de Shepperton que la société de M. Gilfil était agréable ; il était l’hôte bienvenu des meilleures maisons de ce côté du pays. Le vieux sir Jasper Sitwell aurait été charmé de le voir chaque matin. Si vous l’aviez vu