Page:Eliot - Scenes de la vie du clerge - Barton Gilfil.pdf/120

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vieux Tozer, dont les articulations étaient raides et qui était encore en état de subvenir faiblement à ses besoins par quelques petits travaux de jardinage, arrêta Mme Cramp, la femme de peine, comme elle retournait chez elle en revenant de la cure, où elle était allée aider Nanny à faire les paquets la veille du départ, et s’informa très particulièrement du sort futur de M. Barton.

« Ah ! le pauvre homme, lui répondit-elle, je suis fâchée pour lui. Il n’avait pas beaucoup de bien-être ici, mais il sera encore plus mal là-bas. La moitié d’un pain vaut mieux que point du tout. »

Les adieux avaient tous été faits avant ce dernier soir : et, après que tous les arrangements furent terminés, Amos sentit l’oppression de cet instant pendant lequel on n’a rien à penser qu’au triste avenir, à la séparation qui vous éloigne de ce qu’on aime et de ce qui vous est familier, et à cette entrée glaciale dans ce qui est nouveau et étranger. Dans tout départ se trouve l’image de la mort.

Peu après dix heures, quand il eut renvoyé Nanny se coucher, afin qu’elle eût un peu de repos avant la fatigue du lendemain, il se glissa doucement hors de la maison pour faire une dernière visite à la tombe de Milly. La nuit était sans lune, mais le ciel étincelait d’étoiles, et leur clarté suffisait à montrer que l’herbe avait poussé sur la fosse et qu’il y avait une pierre sépulcrale où des lettres brillantes sur un fond noir disaient que là reposait Amélie, la femme bien-aimée d’Amos Barton, morte dans sa trente-cinquième année, laissant un mari et six enfants pour pleurer sa perte. Les derniers mots de l’inscription étaient : « Que ta volonté soit faite ! »