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les volets étaient à moitié fermés et que la tristesse semblait avoir séparée du reste du monde. Maintenant, Milly était partie ; la lumière du jour, réfléchie par la neige, remplissait toutes les chambres ; la cure semblait de nouveau faire partie du monde comme chaque jour, et Amos, pour la première fois, sentit qu’il était seul, que jour après jour, mois après mois, année après année, il faudrait vivre sans l’amour de Milly. Le printemps viendrait, et elle ne serait pas là ; l’été, elle n’y serait pas ; et il ne l’aurait plus à ses côtés, près du feu, dans les longues soirées d’hiver. Toutes les saisons lui paraissaient décolorées ; et combien seraient désespérantes les journées de soleil qui devaient venir ! Elle était loin de lui ; et il ne pourrait plus lui montrer son amour, il ne pourrait plus réparer ses oublis passés en remplissant les jours à venir par sa tendresse.

Oh ! qu’elle est angoissante, cette pensée que nous ne pourrons jamais dédommager nos morts du peu d’affection que nous leur avons témoigné, des réponses légères que nous avons faites à leurs demandes, du peu de respect que nous avons montré à cette âme humaine et sacrée qui vivait si près de nous et qui était la chose la plus divine que Dieu nous eût donné de connaître !

Amos Barton avait été un mari affectueux, et, tant que Milly était restée près de lui, il n’avait jamais été traversé par la pensée que peut-être son affection pour elle n’était pas assez vive et vigilante ; mais maintenant il revivait de toute leur vie passée ensemble, avec cette terrible clarté de la mémoire et de l’imagination que donne la souffrance, et il sentait