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malade, fatiguée comme « elle » l’est du matin au soir, pour des gens qui feraient mieux d’être ailleurs qu’ici.

— Que voulez-vous dire par ces paroles ?

— Ce que je veux dire ? Je veux dire que ma maîtresse mène une vie d’esclave en se tenant debout la nuit, pour des gens qui feraient mieux de la soigner, au lieu de ne rien faire toute la sainte journée que de se dorloter.

— Sortez, insolente.

— Insolente ? J’aime mieux être insolente que de vivre aux dépens des autres et de leur apporter un mauvais renom par-dessus le marché. »

Ici Nanny sortit brusquement, laissant la comtesse digérer ce déjeuner inattendu.

Elle fut pétrifiée pendant quelques minutes ; mais, lorsqu’elle commença à se rappeler les paroles de Nanny, elle ne put s’empêcher de voir sa position à la cure sous un jour nouveau. L’allusion de Nanny à un « mauvais renom » ne resta point en dehors de l’imagination de la comtesse, qui vit la nécessité de quitter Shepperton sans délai. Elle aurait préféré attendre la réponse de son frère, mais elle prierait Milly de la lui faire parvenir ; mieux encore, elle se rendrait à Londres, demanderait à son banquier l’adresse de son frère, et irait le voir sans préliminaires.

Elle monta chez Milly, et, après l’avoir embrassée et questionnée sur sa santé, elle lui dit :

« Tout bien considéré, je trouve, chère Milly, qu’en raison de la lettre que j’ai reçue hier, il faut que je vous quitte pour me rendre directement à Londres. Mais je ne voudrais pourtant pas vous laisser malade, méchante enfant.