Page:Eliot - Scenes de la vie du clerge - Barton Gilfil.pdf/102

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rant, descendit à onze heures, comme d’habitude, pour prendre seule son déjeuner, qui à cette heure-là était préparé pour elle au salon. Il y avait un petit pot de crème, prise comme d’habitude sur le lait de la veille et réservée spécialement pour le déjeuner de la comtesse. Jet attendait toujours sa maîtresse à la porte de sa chambre à coucher, et elle descendait habituellement en le portant dans ses bras.

« Voilà, mon petit Jet, dit-elle en le posant doucement à terre devant le foyer, tu auras un gentil, gentil déjeuner. »

Jet indiqua qu’il trouvait cette promesse très agréable, en se dressant immédiatement sur ses pattes de derrière, et la comtesse versa le pot de crème dans la soucoupe. Il y avait ordinairement sur le plateau à côté de la crème un pot de lait, destiné au déjeuner de Jet ; mais, ce matin-là, Nanny, dans son émotion, avait oublié ce détail, en sorte que, lorsque la comtesse eut fait son thé, elle s’aperçut qu’il n’y avait pas le second pot et sonna. Nanny parut, très rouge et échauffée ; elle venait d’allumer le feu de la cuisine, ce qui ne prédispose pas à la douceur.

« Nanny, vous avez oublié le lait de Jet ; voulez-vous m’apporter un peu plus de crème, s’il vous plaît ? »

C’en fut trop pour la patience de Nanny.

« Oui, certes. Me voici les mains tout occupées des enfants et du dîner, et la maîtresse malade au lit, et M. Brand qui va venir : et il me faudrait courir par le village pour chercher de la crème, parce que vous l’avez donnée à ce vilain petit moricaud !

— Est-ce que Mme Barton est malade ?

— Malade ? je crois bien, qu’elle est malade, vous vous en inquiétez beaucoup ! Elle peut bien être