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— Alors on dit un tas de menteries, et vous devriez avoir honte de les répéter. Pensez-vous que le maître, qui a une femme comme madame, irait courir après une poupée couverte de chiffons comme cette belle dame, qui ne serait pas même bonne à cirer les souliers de ma maîtresse ? Je n’aime déjà pas tant le maître ; mais je sais qu’il est incapable de ça.

— Ne vous fâchez pas, je ne l’ai pas cru, dit humblement M. Tomms.

— Vous seriez un imbécile, si vous l’aviez cru. C’est une mauvaise avare que cette comtesse. Elle ne m’a jamais donné une pièce de six pence, ni la moindre nippe depuis qu’elle est ici. Elle vous reste au lit et descend pour déjeuner, quand les autres en sont au dîner. »

Si l’esprit de Nanny était dans cet état au mois d’août, époque où eut lieu ce dialogue avec M. Tomms, vous pouvez supposer ce qu’il devait être au commencement de novembre, lorsque la plus légère étincelle devait faire jaillir, de cette colère longtemps amassée, la flamme d’une franche indignation.

Cette étincelle brilla le matin même du jour où Mme Hackit fit à Mme Patten la visite que je vous ai racontée. L’inimitié de Nanny contre la comtesse s’étendait jusqu’à l’innocent Jet, qu’elle ne pouvait supporter voir traiter comme un chrétien. Et il fallait encore laver cette sale petite bête chaque dimanche, comme si ce n’était pas assez de laver les enfants.

Il arriva ce matin-là que Milly fut trop souffrante pour se lever, et que M. Barton dit à Nanny, en sortant, qu’il irait chez M. Brand le prier de venir. Ces circonstances suffisaient déjà pour rendre Nanny inquiète et susceptible. Mais la comtesse, les igno-