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ses autres sentiments dans une acceptation reconnaissante.

Mais Will avait l’air résolu et nullement touché. Avançant la lèvre avec dédain et les doigts enfoncés dans ses poches de côté, il reprit avec fermeté :

— Avant de répondre en aucune façon à vos propositions, monsieur Bulstrode, je dois vous prier à mon tour de répondre à une ou deux questions : Étiez-vous engagé dans cette affaire, qui a été l’origine de la fortune dont tous parlez ?

— Oui, fit M. Bulstrode, convaincu que Raffles lui avait déjà tout dit.

— Et cette affaire était-elle, ou n’était-elle pas d’une nature infamante, et en admettant qu’elle eût été jugée par un tribunal, aurait-on envoyé aux galères ceux qui y étaient intéressés ?

Will parlait avec une tranchante amertume. Il se sentait poussé à faire ses questions sans ménagements.

Bulstrode rougit d’une colère difficile à réprimer. Il s’était préparé à une scène d’humiliation de lui-même ; mais son orgueil intense et son habitude de domination l’emportèrent sur le repentir et même sur la crainte, quand ce jeune homme, dont il avait eu l’intention de devenir le bienfaiteur, se tourna vers lui comme un juge.

— L’affaire était établie avant que je m’en occupasse, monsieur, et d’ailleurs il ne vous appartient pas d’ouvrir une semblable enquête, répondit-il sans élever la voix, mais avec un bref accent de défi.

— Pardon, dit Will, se levant de nouveau le chapeau à la main ; c’est à moi qu’il appartient de vous faire ces questions, du moment que j’ai à décider s’il me convient d’entrer en négociations avec vous et d’accepter votre argent. Il m’importe de garder mon honneur intact. Il m’importe de n’avoir pas de flétrissure sur ma naissance et ma famille. Et maintenant je découvre qu’il existe une flétrissure