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cipale dans l’acceptation trop facile de toutes les marchandises offertes, sans souci de leur provenance. Il existait d’ailleurs dans le West-End une succursale dont les trafics ne présentaient rien de bas ni de mystérieux, dont on pût avoir l’idée de rougir.

Il se rappelait ses premiers moments d’hésitation. Ils avaient été secrets et remplis de débats intérieurs. Ils prenaient parfois la forme de la prière. C’était, après tout, une affaire bien établie et qui avait de vieilles racines ; n’est-ce pas chose toute différente d’élever soi-même un palais nouveau pour y débiter des spiritueux, ou bien d’accepter une place dans un établissement existant ? Les profits qu’on retire de la corruption des âmes ! Où peut-on tracer la ligne qui marque l’endroit précis où ils commencent, dans les transactions humaines ? — Et n’était-ce pas la manière employée par Dieu même pour sauver ses élus ? « Tu sais, avait dit alors le jeune Bulstrode, comme le vieux Bulstrode le répétait maintenant, Tu sais combien mon âme est détachée de toutes ces choses, et que je ne les regarde que comme des outils pour cultiver Ton jardin, et l’arracher au désert. »

Les métaphores et les précédents ne manquaient pas. Les expériences particulières, au sens religieux, qui faisaient de la conservation de sa place un service exigé de lui, ne manquaient pas. La perspective d’une fortune s’était déjà ouverte à ses regards et les scrupules de Bulstrode restèrent secrets. M. Dunkirk ne s’était jamais attendu à la moindre hésitation de sa part ; il n’avait jamais imaginé que le commerce eût quelque chose à faire avec l’œuvre du salut. Et la vérité, c’est que Bulstrode commença alors à mener deux vies distinctes. Son activité religieuse ne pouvait être incompatible avec ses affaires, dès qu’il en était venu, à force d’arguments, à se persuader qu’il n’y avait pas incompatibilité.

Ressaisi de nouveau par les influences de ce passé, Buls-