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Célia ne s’en rendait pas du tout compte, trouvant que le veuvage sans enfants de Dorothée coïncidait d’une façon toute charmante avec la naissance du petit Arthur, ainsi nommé à cause de M. Brooke.

— Dodo est une de ces créatures qui ne se soucient de rien avoir qui soit bien à elle, pas plus les enfants qu’autre chose, dit Célia à son mari. Et, si elle avait eu un baby, il n’aurait jamais pu être un amour comme Arthur, n’est-ce pas, James ?

— Non, s’il avait ressemblé à Casaubon, répondit sir James, conscient de la réserve qu’il mettait dans sa réponse et de l’opinion strictement personnelle qu’il gardait par devers lui sur les perfections de son premier-né.

— Non ! imaginez-vous cela ? N’est ce pas une véritable grâce ? Et n’est-il pas très agréable à Dorothée d’être veuve ? Elle peut aimer notre baby autant que si c’était le sien et entretenir toutes les idées originales qu’elle voudra.

— Il est dommage qu’elle n’ait pas été reine dit sir James avec ferveur.

— Mais qu’aurions-nous été alors ? Nous n’aurions pu être ce que nous sommes, dit Célia opposée à cet élan compliqué de l’imagination. Je l’aime mieux telle qu’elle est.

Aussi, quand elle s’aperçut que Dorothée faisait ses préparatifs de départ, Célia leva les sourcils d’un air contrarié.

Puis de sa manière tranquille et indifférente, elle lança sa petite flèche de sarcasme :

— Pourquoi retournes-tu à Lowick, Dodo ? Tu dis toi-même qu’il n’y a rien à faire là-bas. Les gens y sont propres et si à leur aise que tu es dispensée de toute peine, et cela te rend tout à fait mélancolique. Et ici, combien tu as été heureuse de circuler partout dans Tipton avec M. Garth et de visiter les arrière-cours les plus misérables ! Et à présent que mon oncle est absent, toi et M. Garth pourrez