quoique je l’aie averti qu’il ne me paraissait pas avoir beaucoup de chances. Il fallait bien lui dire cela, et que ma nièce était encore très jeune, etc… etc… Toutefois je n’ai pas trouvé nécessaire d’entrer dans trop de détails… Enfin, le mot de l’énigme, c’est qu’il m’a demandé l’autorisation de vous adresser une demande en mariage…, en mariage, vous savez, dit M. Brooke avec son petit signe de tête explicatif. J’ai pensé qu’il valait mieux vous le dire, ma chère Dorothée.
La physionomie de M. Brooke ne trahissait pas la moindre anxiété, et pourtant il désirait sincèrement connaître ce qui se passait dans l’esprit de sa nièce et lui donner, si besoin était, un bon conseil. Le sentiment qu’il éprouvait pour elle en ce moment à travers tout le décousu de ses idées était celui d’une tendresse sans mélange. Comme Dorothée ne répondait pas, il répéta :
— J’ai pensé qu’il valait mieux vous le dire, ma chérie.
— Merci, mon oncle, dit Dorothée, d’une voix claire et ferme. Je suis très reconnaissante à M. Casaubon. S’il me demande en mariage, j’accepterai. Je l’admire et je l’honore plus que pas un homme que je connaisse.
M. Brooke garda un instant le silence ; puis, d’une voix basse et hésitante il dit :
— Ah ! bien… C’est un bon parti sous certains rapports. Mais un beau parti, voyez-vous, c’est Chettam. Et nos domaines se touchent. Je ne m’opposerai jamais à vos désirs, ma chère enfant ; et, en matière de mariage, chacun a sa manière de voir… jusqu’à un certain point, bien entendu. Je voudrais vous voir bien mariée ; et j’ai de bonnes raisons de croire que Chettam désire vous épouser. Je vous le dis seulement, vous savez.
— Il n’est pas possible que j’épouse sir James Chettam, dit Dorothée. S’il songe à m’épouser, c’est une grande erreur qu’il commet là.