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LA CONVERSION DE JEANNE

âgée entra. C’était une vieille dame, très petite, pâle et à peine ridée, avec des cheveux de ce blanc particulier qui indique qu’ils étaient blonds naguère ; elle avait sur la tête un bonnet blanc et un châle blanc sur les épaules. On voyait au premier coup d’œil qu’elle avait été une blonde mignonne, bien différente de son grand fils au teint foncé, bien différente aussi de sa belle-fille, dont la beauté brune aux grands traits était mise en relief par le contraste de la petite dame. La dissemblance entre Jeanne et sa belle-mère ne résidait pas seulement dans cette différence entre les contours et la couleur de leur visage ; à la vérité, il y avait peu de sympathie entre elles ; car la vieille Mme Dempster n’avait pas encore compris que son fils Robert aurait tout aussi mal tourné s’il avait épousé une femme convenable — une femme douce comme elle-même, qui lui aurait donné des enfants et aurait été une ménagère soigneuse. Malgré les attentions et la tendresse que sa belle-fille lui témoignait, elle avait d’emblée eu peu d’amitié pour Jeanne, et avait assisté de longues années au triste développement du malheur domestique, avec une disposition à blâmer la femme plutôt que le mari et à reprocher à Mme Raynor d’encourager les fautes de sa fille. Mais la vieille Mme Dempster avait le rare don du silence et de la passivité, qui remplace souvent la force d’esprit ; et, quelles que fussent ses pensées, elle ne disait