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LA CONVERSION DE JEANNE

bière capiteuse, à « l’Ours et son bâton », à la rue du Pont.

C’était une rue irrégulière et écartée, où la ville s’allongeait par lambeaux sur la route de Whitlow ; des rangées de maisons neuves en briques, où les métiers à rubans gémissaient derrière de longues fenêtres, alternaient avec de vieilles chaumières, couvertes moitié de chaume et moitié de tuiles ; c’était une de ces rues longues et sans symétrie où la malpropreté et la misère ne reçoivent plus ces longues ombres qui adoucissent leur laideur. Ce fut là qu’à cinq heures et demie environ on vit Silly Caleb, un idiot bien connu dans la rue du Pont, s’avancer tête basse, avec un cortège de gamins moqueurs sur ses talons ; bientôt un autre groupe d’individus, bras nus pour la plupart, vinrent rapidement dans la même direction, regardant autour d’eux d’un air d’attente ; et, peu après, Deb Traunter, en robe rose à falbalas et rubans flottants, fut observée, parlant avec grande affabilité à deux hommes en bonnet de peau de phoque et en futaine, qui l’accompagnaient. La rue du Pont eut le pressentiment Qu’il y avait quelque chose dans l’air. Phib Cook laissa sa cuve à lessive et parut à sa porte, mouillée d’eau de savon, en serre-tête ; trois tisseurs de rubans, à poitrine étroite, en costume roussi parsemé de fils de soie de couleur, sortirent les mains dans les poches, et Molly Beale,