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SCÈNES DE LA VIE DU CLERGÉ

guère autre chose qu’un long bimane en cravate blanche, à vues plus ou moins anglicanes, furtivement adonné à la flûte, est adoré par quelque jeune fille qui a des frères grossiers, ou par quelque femme isolée qui voudrait lui être unie pour l’aider dans de bonnes œuvres qui surpassent ses moyens à elle, simplement parce qu’il leur paraît un modèle de bonnes manières et un homme voué au bien général. Qu’y a-t-il donc d’étonnant à ce que, dans la société de Milby telle que je vous l’ai décrite, un zélé ministre évangélique de trente-trois ans fût l’objet de toutes les agitations qui sont le propre de la divine nécessité d’aimer, départie aux miss Linnet, malgré leurs sept ou huit lustres et leurs coiffures démodées, tout aussi bien qu’à miss Élisa Pratt, avec sa fraîcheur de jeunesse et ses belles boucles.

Mais M. Tryan est entré, et la lumière jetée par les nuages dorés sur ses cheveux brun clair, relevés par la brosse tout autour de sa tête, leur donne l’aspect d’une auréole. Ses yeux gris ont aussi ce soir un éclat inaccoutumé. Ce ne sont pas des yeux remarquables, mais ils s’accordent complètement avec l’expression mobile de son visage, indiquant le caractère paradoxal que l’on observe souvent chez un blond sanguin de taille élevée : en même temps doux et irritable, poli et dominateur, indolent et résolu, maître de lui et rêveur. Sauf que ses lèvres peu épaisses lui don-