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LA CONVERSION DE JEANNE

n’eût apporté un changement en bien dans la personne de Rébecca Linnet, pas même miss Pratt, la maigre et raide dame en lunettes assise en face d’elle, qui a toujours eu une antipathie particulière pour les « femmes à tournure épaisse ». Si je dis que miss Pratt était une vieille fille, vous n’en saurez pas beaucoup plus que si je dis qu’elle est dans l’automne de la vie. Était-ce l’automne lorsque les vergers sont couverts de pommes, ou quand les dernières feuilles voltigent, emportées par la brise froide ? Les jeunes dames de Milby vous auraient dit que les miss Linnet étaient de vieilles filles ; mais les miss Linnet étaient à miss Pratt ce que septembre parfumé de fruits est aux tristes et sombres jours de novembre. Les miss Linnet étaient dans cette zone tempérée du célibat où, si un homme d’âge et de caractère convenables vient à s’offrir, une femme pourra être amenée à parcourir le reste de la vallée de la vie en sa société ; miss Pratt était dans la région arctique où une femme est assurée qu’à aucun moment de son existence elle n’aurait consenti à renoncer à sa liberté, et qu’elle n’a jamais vu l’homme auquel elle aurait voulu promettre respect et obéissance. Si les miss Linnet étaient de vieilles filles, c’étaient de vieilles filles pourvues de cheveux naturels et d’un riche embonpoint ; miss Pratt était une vieille fille à bonnet, à tour de cheveux, à vertèbres saillantes, etc. Miss Pratt était le bas-bleu de Milby, pos-