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LA CONVERSION DE JEANNE

la prière. L’évangélisme ne fut plus un mal existant surtout dans des coins retirés, que toute personne élégante pouvait éviter : il envahissait les salons, se mêlant au fumet du porto et menaçant d’anéantir par son souffle sombre toute la splendeur des plumes d’autruche, et de paralyser la franchise avec laquelle, à Milby, on prétendait, avec une légère hypocrisie, n’être pas meilleur que ses voisins. L’alarme fut à son comble quand on apprit que M. Tryan s’efforçait d’obtenir de M. Prendergast, le recteur non résident, la permission d’établir un service du dimanche soir dans l’église de la paroisse, sous prétexte que le vieux M. Crewe ne prêchait pas l’évangile.

C’est alors qu’on vit clairement quelle valeur Milby attachait au ministère de M. Crewe ; combien on était persuadé que M. Crewe était le modèle du pasteur et ses sermons les plus parfaits et les plus édifiants qu’une congrégation eût jamais négligé d’écouter. Toutes les allusions à sa perruque brune furent supprimées, et par une figure de rhétorique on associa son nom à de vénérables cheveux gris ; l’usurpation essayée par M. Tryan était une insulte à un homme chargé d’années et d’instruction ; bien plus, c’était un effort insolent pour se pousser en avant dans une paroisse où il était mal vu par la classe supérieure. La ville se trouva divisée en deux partis : les tryanites et les antitryanites ;