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SCÈNES DE LA VIE DU CLERGÉ

même dans les allées les plus obscures vous auriez pu trouver, ici ou là, un wesleyen pour lequel le méthodisme était le garant de la paix sur la terre et de la bienveillance pour les hommes. Pour le regard superficiel, Milby n’était qu’une prose sèche ; une ville triste, entourée de champs plats, d’ormes émondés, de grands établissements manufacturiers, qui s’allongeaient avec leurs métiers de tissage, jusqu’à menacer la ville de s’accrocher à elle. Mais pourtant Milby voyait arriver le doux printemps ; le sommet des ormes se couvrait de rouges bourgeons ; le cimetière s’étoilait de pâquerettes ; l’alouette gazouillait ses chants d’amour ; les arcs-en-ciel, suspendus parfois sur la sombre ville, revêtaient les toits et les cheminées même d’une étrange beauté. Il en était bien de même de la vie des habitants qui, au premier aspect, paraissait être un mélange désordonné de mondanité, de société, de plumes d’autruche et d’eau-de-vie ; puis, en y regardant de plus près, vous y trouviez de la pureté, de l’amabilité et du dévouement : de même que vous avez pu observer dans un bruyant cabaret un géranium dont le parfum s’exhale au milieu des blasphèmes et du gin. La petite et sourde Mme Crewe portait souvent au pauvre la moitié de son maigre dîner ; miss Phipps, avec ses rubans et ses plumes rouges, avait un cœur filial et allumait la pipe de son père avec un doux sourire ; et il y avait