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SCÈNES DE LA VIE DU CLERGÉ

précédentes. Jeanne retrouvait la faveur populaire que sa beauté et la douceur de son caractère lui avaient gagnée déjà comme jeune fille ; et la popularité, comme chacun le sait, est l’écho le plus complexe et se multipliant le plus par lui-même. Même les préjugés antitryanites ne purent résister à reconnaître que Jeanne était une personne changée — changée de même que la plante couverte de poussière, flétrie et desséchée par la chaleur est changée lorsqu’elle reçoit les douces pluies du ciel : et tout ce changement était dû à l’influence de M. Tryan. Les railleries contre le pasteur évangéliste cessèrent complètement, et, quoiqu’une bonne part du sentiment qui les avait suscitées se trouvât encore à l’état latent, il était contenu par la certitude que l’expression de semblables pensées n’aurait pas d’effet : des plaisanteries de cette espèce avaient cessé de plaire à l’esprit de Milby. Même MM. Budd et Tomlinson, en voyant passer dans la rue M. Tryan, pâle et usé, eurent l’idée que cet homme n’était pas cette chose naturelle et compréhensible, un charlatan ; que, dans le fait, il était impossible de l’expliquer au point de vue de l’estomac et de la bourse. Qu’ils étendissent et étirassent leur théorie autant que possible, elle ne s’appliquait pas à M. Tryan ; ainsi, avec cette remarquable ressemblance des procédés de l’esprit, que l’on peut observer entre les hommes simples et les philosophes,