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LA CONVERSION DE JEANNE

de Jeanne était maintenant assez libre pour qu’elle pût remarquer la fatigue du pasteur ; elle ne voulut point qu’il l’augmentât à son sujet.

« Non, dit-elle avec vivacité, vous me feriez beaucoup de peine en sortant de nouveau ce soir à cause de moi. » Et comme il insistait, craignant que de la voir seule si tard ne pût donner lieu à quelques remarques fâcheuses, elle lui dit d’un ton suppliant, avec des sanglots : « Que ferais-je, que feraient ceux qui sont comme moi, si vous nous quittiez ? Pourquoi ne voulez-pas penser davantage à cela et prendre soin de vous ? »

Il avait souvent entendu cette requête auparavant — mais ce soir-là — venant des lèvres de Jeanne — elle eut pour lui une nouvelle éloquence, et il céda. D’abord, il ne le fit, à la vérité, qu’à condition qu’elle permettrait que Mme Wagstaff l’accompagnât, mais Jeanne était décidée à retourner seule chez elle. Elle préférait la solitude ; elle désirait que ses sentiments actuels ne fussent pas distraits par quelque conversation.

Ainsi elle partit par l’humide crépuscule, et lorsque M. Tryan l’eut vu partir, il sentit plus que jamais le désir que sa vie fragile à lui pût durer jusqu’à ce que le retour de Jeanne au bien fût complètement assuré — pour ne plus la voir s’échapper, lutter, gravir les côtés escarpés du précipice d’où elle pouvait à chaque instant être