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LA CONVERSION DE JEANNE

avait été résolue en un instant ; et cette maladie, après tout, pourrait être l’annonce d’une bénédiction, de même que cet affreux minuit où elle était livrée au froid dans l’obscurité avait été suivi par l’aurore d’une nouvelle espérance. Robert irait mieux ; cette maladie le changerait ; il serait longtemps faible, il aurait besoin d’aide, marchant avec une béquille, peut-être. En le soignant avec tendresse, avec amour et pardon, son ancienne dureté se fondrait pour toujours sous les rayons du soleil d’amour dont elle l’inonderait. Son sein se soulevait à cette pensée, et elle versait des larmes délicieuses. Jeanne était d’une nature où la haine et la vengeance ne pouvaient trouver aucune place ; ses longues années d’amertume tiraient la moitié de leurs blessures du souvenir toujours vivant des deux courtes années d’amour qui les avaient précédées ; et la pensée que son mari pût jamais porter de nouveau sa main à ses lèvres et rappeler les jours où ils s’asseyaient ensemble sur le gazon et où il posait des coquelicots dans ses cheveux noirs et l’appelait sa reine de Bohême, faisait refluer l’oubli sur l’espace rude et pierreux qu’ils avaient traversé depuis. L’amour divin, qui avait déjà brillé sur elle, serait encore avec elle ; elle élèverait constamment son âme vers le secours ; M. Tryan, elle le savait, prierait pour elle. Si elle se sentait faiblir, elle le lui avouerait aussitôt ; si ses pieds commençaient à