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LA CONVERSION DE JEANNE

avait du être malheureux dans des spéculations postérieures, car, maintenant qu’il était vieux, il ne passait point pour être très riche, et, quoiqu’il se rendît lentement à son bureau à Milby, chaque matin, sur une vieille jument blanche, il dut abandonner les principaux profits, ainsi que la partie active de la maison, à son associé, plus jeune, Dempster. Personne à Milby ne regardait le vieux Pittman comme un modèle de vertu, et les plus vieux citoyens ne se gênaient point pour raconter certaines particularités de sa vie qui n’étaient pas le moins du monde à son avantage. Cependant, chose étrange, je n’ai jamais remarqué qu’ils se confiassent moins en lui et l’en aimassent moins. Pittman et Dempster étaient les hommes les plus populaires à Milby et dans le voisinage, et M. Benjamin Landor, contre qui personne n’avait rien à dire, avait, en comparaison de la leur, une assez maigre clientèle. À peine aurait-on trouvé, à dix milles de Milby, un propriétaire, un fermier ou une paroisse dont les affaires ne fussent pas confiées à Pittman et à Dempster, et je croirais que leurs clients étaient fiers du peu de scrupules de leurs notaires, comme les patrons d’escrime sont fiers de la « condition » de leur champion. Le talent de Dempster pour « tirer d’affaire » un client était un fréquent sujet de conversation pour les fermiers qui venaient d’occasion prendre un verre de grog au « Lion-Rouge ». « Il a la tête longue,