Page:Eliot - La Conversion de Jeanne.djvu/209

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
205
LA CONVERSION DE JEANNE

temps il m’a paru aussi obscur qu’il vous le paraît maintenant. » M. Tryan hésita de nouveau. Il vit que la première chose dont Jeanne avait besoin, c’était d’être assurée de sympathie. Il fallait lui faire sentir qu’il n’était point étranger à l’angoisse qu’elle éprouvait ; qu’il entrait dans les secrets qu’elle n’exprimait qu’à moitié de sa faiblesse, avant qu’aucune autre parole de consolation pût trouver le chemin de son cœur. L’histoire de la miséricorde de Dieu n’a jamais encore été comprise quand elle n’est sortie que de lèvres qui n’étaient pas émues par la pitié humaine. Et l’angoisse de Jeanne n’était pas étrangère à M. Tryan. Il n’avait jamais été en présence d’une tristesse qui eût fait vibrer aussi puissamment toutes les profondeurs de ses plus tristes souvenirs ; et c’est parce que la sympathie n’est que le souvenir de notre propre passé vécu sous une nouvelle forme, que la compassion amène souvent une confession comme réponse. M. Tryan sentit cette disposition, et son jugement aussi lui dit qu’en lui obéissant il prendrait le meilleur moyen de rendre la force à Jeanne. Cependant il hésita, comme nous tremblons de laisser entrer la lumière du jour dans une chambre de reliques que nous n’avons jamais visitée que dans une obscurité silencieuse. Mais la première impulsion l’emporta, et il poursuivit : « Toute ma vie, j’avais vécu loin de Dieu. Ma jeunesse s’était passée à satisfaire mes goûts