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SCÈNES DE LA VIE DU CLERGÉ

monde ; et je redoutais la mort, car, avec le sentiment du péché, je pensais que, quel que fût l’état où j’entrerais, ce serait un état de malheur. Mais un ami très cher, à qui j’ouvris mon âme, me montra que c’étaient justement ceux qui me ressemblaient — les désespérés qui se sentent sans secours — que Dieu invite spécialement à venir à lui et auxquels il offre les richesses de son salut ; non seulement le pardon, le pardon serait peu de chose s’il nous laissait sous la puissance de nos passions, mais la force, cette force qui nous permet de les vaincre.

— Mais, dit Jeanne, je ne puis avoir de confiance en Dieu. Il me semble qu’il m’a laissée à moi-même. Je l’ai souvent prié de me secourir, et pourtant tout a continué comme auparavant. Si vous avez éprouvé ce que j’éprouve, comment en êtes-vous venu à l’espoir et à la confiance ?

— Ne croyez pas que Dieu vous ait abandonnée. Comment pouvez-vous dire que les plus pénibles épreuves que vous ayez connues n’aient pas été seulement la route par laquelle il vous conduisait à ce complet sentiment de votre péché et de votre abandon, sans lequel vous n’eussiez jamais renoncé à d’autres espérances et vous ne vous fussiez jamais confiée en son amour seul ? Je sais, chère madame Dempster, je sais que c’est dur à supporter. Je ne voudrais pas parler avec légèreté de vos chagrins. Je sens que le mystère de notre vie est grand, et dans un