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SCÈNES DE LA VIE DU CLERGÉ

Enfin la lumière du matin l’emporta sur celle de la veilleuse ; les pensées de Jeanne devinrent de plus en plus incohérentes et confuses. Il lui semblait glisser du niveau où elle était étendue et descendre toujours plus bas dans quelque profondeur dont elle tâchait de remonter par un tressaut. L’assoupissement s’emparait de son cerveau, cet assoupissement qui n’est préférable à l’insomnie que parce que la vie qu’il semble nous donner ne détermine point d’avenir douloureux, parce que les choses que nous y faisons et dont nous y souffrons ne sont que des ombres et ne laissent pas d’impression qui se pétrifie en un passé inexorable.

Elle dormait à peine depuis une heure, lorsque ses mouvements devinrent plus vifs, ses soupirs plus fréquents, jusqu’à ce qu’elle se leva en sursaut avec un cri étouffé et regarda autour d’elle d’un air égaré.

« N’ayez pas peur, chère madame Dempster, dit Mme Pettifer, qui était levée et s’habillait ; vous êtes avec moi, votre vieille amie, madame Pettifer. Personne ne vous fera du mal. »

Jeanne retomba encore toute tremblante sur son oreiller. Après un silence elle dit : « C’était un rêve horrible. Chère madame Pettifer, ne laissez savoir à personne que je suis ici. Gardez le secret. S’il le découvre, il viendra me reprendre, me traînera chez lui.

— Non, ma chère, comptez sur moi. J’enverrai