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SCÈNES DE LA VIE DU CLERGÉ

sa gaieté étant celle de flâner devant la porte de M. Gruby, de taquiner les servantes qui venaient chez l’épicier et de caqueter avec les rares passants. Toutefois il était généralement reçu que M. Lowme appartenait à la société la plus relevée de Milby ; ses fils et ses filles portaient la tête très haut ; et, malgré la condescendance qu’il mettait à causer et à boire avec des inférieurs, il aurait lui-même repoussé toute assimilation intime avec eux. Il faut reconnaître qu’il était de quelque utilité pour la ville en se tenant à la porte de M. Gruby, car lui et le chien de Terre-Neuve de M. Landor, qui s’étendait et bâillait sur le trottoir opposé, absorbaient un peu de l’air méphitique qui remplissait la Grand’Rue, tous les jours, excepté le samedi.

Certainement, malgré trois assemblées et un bal de charité dans l’hiver, malgré l’arrivée occasionnelle d’un ventriloque ou d’une troupe d’acteurs ambulants, dont quelques-uns avaient été très appréciés à Londres, et malgré la foire annuelle de trois jours en juin, Milby pouvait être ennuyeux pour les tempéraments hypocondriaques, et c’est peut-être pour cette raison que plusieurs de ses habitants d’un certain âge, hommes ou femmes, n’avaient souvent d’autre moyen de conserver leur entrain que l’emploi copieux de certains stimulants. Il est vrai qu’on trouvait parmi eux plusieurs hommes bien posés, qui avaient une réputation de sobriété