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SCÈNES DE LA VIE DU CLERGÉ

cette pensée adoucie était dans ses yeux lorsque le pasteur parut dans le corridor, pâle, fatigué et oppressé. La vue de Jeanne, se tenant là debout, avec cette entière inconscience de soi qui est le propre d’une impression vive et nouvelle, le fit tressaillir. Il s’arrêta un peu ; leurs yeux se rencontrèrent, et ils se regardèrent gravement pendant quelques instants. Puis ils se saluèrent, et M. Tryan sortit.

Il y a une puissance dans le regard direct d’une âme humaine sincère et aimante, qui fera plus pour dissiper les préjugés et enflammer la charité que les arguments les plus étudiés. L’exposition la plus complète de la doctrine de M. Tryan n’avait pas suffi à convaincre Jeanne qu’il n’avait pas une indulgence odieuse pour lui-même, en se croyant particulièrement un enfant de Dieu ; mais un seul regard éloigna d’elle cette impression fâcheuse.

Ceci arriva en automne, peu de temps avant la mort de Sally Martin. Jeanne ne parla à personne de sa nouvelle impression, car elle avait peur d’arriver à une contradiction encore plus forte de ses premières idées. Nous avons tous des égards considérables pour notre passé, et nous n’aimons pas à jeter sur ce respectable individu des réflexions qui sont une entière négation de ses principes. Jeanne ne pensait plus à être antipathique à M. Tryan ; mais elle répugnait encore à l’idée de l’entendre et de l’admi-