Page:Eliot - La Conversion de Jeanne.djvu/143

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
139
LA CONVERSION DE JEANNE

fester comme un égoïsme régulier et respectable. « Il veut se faire la réputation d’un saint, dit l’un. — Il est rongé d’orgueil spirituel, dit un autre. — Il a en vue quelque beau bénéfice, et il veut se glisser dans la manche de l’évêque », dit un troisième.

M. Sickney, de Salem, qui considérait tout malaise volontaire comme un reste de l’esprit de la loi, prononça une sévère condamnation de cette négligence de soi-même et exprima ses craintes que M. Tryan ne fût encore loin de la vraie liberté chrétienne. M. Jérôme saisit avec empressement cette vue dogmatique du sujet comme une confirmation de ce que lui suggérait sa propre bienveillance, et, par un après-midi de novembre, par un temps couvert, il enfourcha sa jument, déterminé à se rendre à Paddiford et à discuter le point avec M. Tryan.

Le visage du vieux monsieur semblait tout triste, tandis qu’il suivait les sentiers du village disséminé de Paddiford, entre des rangées de laides maisons, assombries par des métiers, et que la noire poussière, chassée par le vent d’automne, était soulevée en tourbillons qui l’enveloppaient. Il réfléchissait au but de sa promenade, et ses pensées, suivant son habitude lorsqu’il était seul, se traduisaient de temps en temps en paroles distinctes. Comme ses yeux erraient sur le théâtre des travaux de M. Tryan, il lui sembla comprendre les privations que