Page:Eliot - La Conversion de Jeanne.djvu/139

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
135
LA CONVERSION DE JEANNE

prits, j’ose le dire, auraient trouvé M. Tryan très dépourvu de ce procédé d’insinuation. L’œuvre bénie qui a pour objet d’aider le monde à progresser n’attend heureusement pas pour s’accomplir la perfection chez ses ministres ; et je m’imagine que ni Luther, ni John Bunyan, par exemple, n’auraient satisfait au type moderne d’un héros qui ne croit à rien que ce qui est vrai, ne sent rien que ce qui est exalté et ne fait rien que ce qui est plein de grâce. Les véritables héros que Dieu crée sont tout différents : ils ont leur héritage naturel d’amour et de conscience qu’ils ont sucé avec le lait de leur mère ; ils connaissent une ou deux de ces profondes vérités spirituelles que l’on n’acquiert qu’en luttant contre ses propres péchés et ses propres tristesses ; ils ont gagné en foi et en force, en proportion du travail personnel qu’ils ont fait ; mais le reste est pour eux théorie vide, préjugé sans raison, vague ouï-dire. Leur vue intérieure est simple ; leur sympathie est peut-être enserrée dans les canaux rétrécis du dogme, au lieu de couler avec la liberté d’un torrent qui fructifie toute semence sur sa route ; l’obstination dans ce qu’ils affirment s’amalgamera peut-être avec leurs plus nobles élans ; et même leurs actes de sacrifice personnel ne sont quelquefois que le résultat de leur égoïsme passionné. Il en était ainsi de M. Tryan, et quiconque l’étudiait à vue d’oiseau avec le regard d’un critique aurait pu