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SCÈNES DE LA VIE DU CLERGÉ

diteurs de M. Tryan eussent gagné un vocabulaire religieux plutôt qu’une expérience religieuse ; qu’ici ou là quelque femme de tisserand, qui, peu de mois auparavant, était une niaise négligente, fût simplement devenue une sainte négligente ; que le vieil Adam, avec l’opiniâtreté de l’âge mûr, continuât à dire des mensonges derrière sa banque, quoiqu’il se fût nouvellement adonné à la lecture de la Bible et à la prière en famille ; que les enfants de l’école du dimanche à Paddiford eussent la mémoire remplie de phrases sur le sang qui lave, sur la justice attribuée, sur la justification par la foi seule, mémoire qu’une expérience consistant principalement en jeux de palets, en toupies, en taloches paternelles et en désirs de sucre d’orge non satisfaits servait plutôt à obscurcir qu’à éclairer. Il se peut qu’à Milby, dans ce temps reculé, comme en tout autre temps et en tout autre endroit où l’atmosphère spirituelle est en voie de changement, et où les hommes sont envahis par de nouvelles idées, la sottise se prît souvent pour de la sagesse, que l’ignorance se donnât des airs de savoir, et que l’égoïsme levant les yeux au ciel s’appelât religion.

Toutefois l’Évangélisme avait amené dans la société de Milby l’existence de l’idée du devoir, cette connaissance d’un principe pour lequel on pouvait vivre en dehors de la simple satisfaction de soi-même, principe qui est à la loi morale ce