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SCÈNES DE LA VIE DU CLERGÉ

semblait dire : « Pourquoi ne sentez-vous pas comme moi, Suzanne ? »

La sympathie de ce vieillard à l’esprit simple fut plus précieuse à M. Tryan que le vulgaire aurait pu le croire. Aux yeux des personnes pourvues de cette psychologie facile qui juge d’avance les individus par des formules et les met, sans plus de difficulté, dans des cases à pigeon régulièrement enregistrées, notre vicaire évangéliste pourrait paraître n’avoir d’autre mobile que celui qui guide en général tous les hommes : poursuivre un but qui s’identifiait non seulement avec sa théorie, ce qui n’est qu’une espèce d’égoïsme secondaire, mais aussi avec l’égoïsme principal de ses sentiments. L’opposition peut devenir agréable à un homme, quand il lui a donné le nom de persécution ; un réformateur ardent et trop impétueux, refusant de s’attribuer toute espèce de mérite, tandis que ses amis le traitent de martyr, n’est pas dans une situation trop pénible pour un esprit charnel. Mais M. Tryan n’avait pas été façonné au moule du martyr sans nécessité. Avec une force de persistance qui avait souvent passé pour de l’obstination, il ressentait vivement la haine ou le ridicule qu’il ne craignait point de provoquer. Toute espèce de désapprobation le froissait, et, quoiqu’il résistât courageusement à ses adversaires, il n’avait aucun plaisir à combattre. C’était une des faiblesses de sa nature que d’être trop vivement