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n’étant pas femme à se livrer aux regards curieux par une impuissante exposition de ses sensations.

Pour recevoir le jeune couple, sir Hugo avait invité une société un peu bigarrée. La vieille aristocratie était représentée par lord et lady Pentreath ; l’ancienne bourgeoisie, par M. et madame Fitzadam jeunes, du Woreestershire, branche cadette des Fitzadam ; la politique et le bien public, spécialisé par l’intérêt dans le cidre, par M. Fenn, député de West Orchards, et ses deux filles ; la famille de lady Mallinger, par son frère, M. Raymond et sa femme ; l’utile élément célibataire, par M. Sinker, l’éminent avocat et par M. Vandernoodt, dont sir Hugo avait fait la connaissance à Leubronn, et trouvé la personne assez agréable pour qu’on pût l’adopter et la recevoir en Angleterre.

Tous étaient réunis au salon, attendant les nouveaux mariés ; les hommes causaient entre eux, debout, avec cette vivacité modérée que l’on remarque pendant les longues minutes qui précèdent le dîner. Deronda se tenait un peu en dehors de ce cercle, accaparé par M. Vandernoodt, ce rejeton du meilleur sang hollandais importé à la révolution ; au demeurant l’un de ces hommes précieux en société, n’ayant par eux-mêmes rien de particulier, mais qui savent tout ce qui se passe. Il parlait à Deronda des Grandcourt, dont on attendait l’apparition. C’était un habile glaneur de détails personnels que M. Vandernoodt ; il aurait pu raconter tout ce qui concernait un grand philosophe ou un grand physicien, mais, assurément, il n’aurait pas su dire un mot de leurs théories ou de leurs découvertes. En ce moment, il donnait à entendre à son interlocuteur qu’il avait appris bien des choses sur Grandcourt depuis qu’il l’avait rencontré à Leubronn.

— Les hommes qui sont arrivés à un âge déjà mûr et qui ont usé de la vie, ne finissent pas toujours par choisir aussi bien leurs femmes. Il a eu pas mal d’aventures et,