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XXXVIII


La figure de Mordecai s’était incrustée dans l’esprit de Deronda comme une nouvelle question pour laquelle il se sentait de l’intérêt à obtenir la réponse. Mais cet intérêt ne dépassait pas une attente vague ; le juif à l’aspect phtisique, aux convictions ardentes et sans doute savant, gagnant sa vie en pratiquant un métier, comme Spinosa, ne répondait à aucune de ses prévisions.

L’effet de leur rencontre avait été tout autre pour Mordecai. Pendant bien des hivers, après s’être convaincu du déclin de sa vie physique, après avoir senti que sa solitude spirituelle devenait de plus en plus grande, il avait passionnément désiré rencontrer une jeune oreille dans laquelle il pourrait verser son âme, comme un testament ; une âme ayant assez d’affinités avec la sienne pour accepter le produit spirituel de sa courte et pénible vie, comme une mission qui devait être exécutée.

Quelques années s’étaient passées depuis qu’il avait commencé à jeter sur les hommes un regard pénétrant, à les mesurer, à chercher une possibilité qui devînt une concep-