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— Donnerez-vous à Bérénice la figure d’une femme de cinquante ans ? Elle devait bien avoir cet âge-là.

— Non, non ! seulement quelques touches un peu mûres, pour indiquer les assauts du temps. Les beautés aux yeux noirs les soutiennent bien, la sienne particulièrement. Voici maintenant la cinquième. Bérénice seule, assise sur les ruines de Jérusalem. C’est de pure imagination ; cela aurait dû être ; peut-être cela fut-il : personne ne sait ce qu’elle est devenue ; c’est spirituellement indiqué par la fin de la série, puisqu’il n’y a pas de sixième tableau. — Ici Hans prétendant parler avec sublimité, releva la tête et fronça le sourcil, comme s’il avait voulu faire impression sur Deronda. — Vous le voyez, continua-t-il, je me sers du style homérique. Venez maintenant, et regardez la toile qui est sur mon chevalet ; elle est déjà avancée.

— L’attitude suppliante est réellement bonne, dit Deronda, après une contemplation d’un moment ; vous avez beaucoup travaillé pendant les vacances de Noël, car je suppose que vous n’avez commencé ce sujet que depuis votre retour à Londres.

Aucun d’eux, jusqu’à ce moment, n’avait prononcé le nom de Mirah.

— Non, dit Hans en ajoutant quelques touches à son tableau ; j’avais choisi mon sujet avant. J’accepte cette heureuse chance comme un augure : je me vois surgir tout à coup au milieu du monde comme un grand peintre. J’ai vu une femme superbe dans le Transtevère, les femmes les plus belles de ce quartier sont à moitié juives ; je vous montrerai l’esquisse de la tête de cette Transtévérine quand j’aurai mis la main dessus.

— Ce serait, à mon avis, un bon modèle pour votre Bérénice, dit Deronda, qui ne savait comment exprimer son mécontentement.