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avait été chaudement entretenue depuis l’époque mémorable de Cambridge, non seulement par correspondance, mais encore par de petits épisodes de camaraderie à l’étranger et en Angleterre. Les premières relations de confiance d’un côté et d’indulgence de l’autre s’étaient développées en pratique, comme c’est habituellement le cas, lorsqu’elles ont si bien commencé.

— Je savais que vous aimeriez à voir mes statuettes et mes antiquités, dit Hans après les premières poignées de main et les premières questions, c’est pourquoi j’ai, sans scrupule, fait déposer mes caisses ici. Mais j’ai trouvé à Chelsea, dans le voisinage de ma mère et de mes sœurs, deux chambres où je m’installerai bientôt, quand on en aura gratté les murs et fait quelques réparations. C’est tout ce qu’il me faut. Vous voyez : je n’ai pas attendu pour me remettre au travail. Vous ne pouvez concevoir quel grand homme je suis en train de devenir ! La semence de l’immortalité a germé en moi.

— Je crois que ce n’est qu’une excroissance, une maladie des reins, riposta Deronda, accoutumé à traiter Hans comme un frère. — Il examinait en même temps ses dessins, quelques têtes rapidement ébauchées ; le même visage sous différents aspects.

— Qu’en pensez-vous ? lui demanda Hans, la palette en main, retouchant la toile posée sur son chevalet.

— La tête de face paraît trop massive ; autrement, les ressemblances sont bonnes, répondit Deronda d’un ton plus froid que d’habitude.

— Non, elle n’est pas trop massive, reprit Hans délibérément. J’ai remarqué cela. Il y a toujours un peu de surprise quand on passe du profil à la tête de face. J’agrandirai celle de Bérénice. Je fais une série de Bérénice… Regardez ces esquisses… Eh mais !.. j’y pense !.. Vous êtes justement le modèle qu’il me faut pour Agrippa. —