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vous parler de mes chagrins ?.. C’est vous qui avez commencé, vous savez, quand vous m’avez blâmée. — Il y eut un sourire mélancolique sur ses lèvres, puis elle ajouta d’un ton désolé : — Ne sera-ce pas une peine pour vous ?

— Non, si cela peut servir à vous sauver d’un mal à venir ; autrement, ce serait une peine perpétuelle.

— Non, non ! Cela ne sera pas ! Je puis être, je serai meilleure parce que je vous aurai connu !

À ces mots elle quitta la chambre. Quand elle fut sur la première marche de l’escalier, sir Hugo, qui traversait le vestibule pour se rendre à la bibliothèque, la vit. Grandcourt n’était pas avec lui. Le baronnet, en entrant, aperçut Deronda dont le visage portait cette expression indéfinissable qui laisse deviner qu’un homme est encore sous le coup d’une scène qui vient d’avoir lieu.

— Est-ce que madame Grandcourt était ici ? demanda sir Hugo.

— Oui, monsieur.

— Où sont les autres ?

— Je crois qu’elle les a laissés à la promenade.

Après un instant de silence, pendant lequel sir Hugo regarda une lettre sans la lire, il dit :

— J’espère que tu n’as pas joué avec le feu, Dan… Tu me comprends ?

— Je crois que oui, monsieur, répondit-il après une légère hésitation ; mais je n’ai rien à répondre à votre métaphore. Il n’y a pas de feu, par conséquent point de risque de brûlure.

Sir Hugo le regarda d’un œil scrutateur, et dit enfin :

— Tant mieux ! car, entre nous, je me figure qu’un tonneau de poudre est caché dans cette maison.