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autour de son poignet et en fit un bracelet : elle était remontée dans sa chambre pour le mettre au moment d’entrer dans la salle du bal.

C’était toujours une belle fête que ce bal de fin d’année, conservé par tradition de famille, selon la vieille coutume, autant que les inévitables changements de la mode veulent bien le permettre. Partout le plancher avait été recouvert de tapis en drap rouge ; des plantes exotiques de serre chaude et toujours vertes étaient disposées en bosquets aux extrémités et dans chaque coin de la galerie, et les portraits des Mallinger, depuis les premières générations jusqu’à la dernière, formaient une ligne piquante de spectateurs. Sir Hugo espérait que Grandcourt serait flatté d’avoir été invité à venir à l’abbaye au moment où devait se donner ce festival qui faisait valoir le rang de sa famille ; mais il espérait aussi que l’air de santé répandu sur toute sa personne, impressionnerait son successeur présomptif et lui donnerait à penser qu’un temps bien long se passerait avant que la succession ne lui arrivât, et qu’il aurait la sagesse de préférer une forte somme actuelle à une petite propriété qu’il faudrait attendre encore, Dieu sait combien d’années. Tous ceux qui étaient présents, jusqu’à la fille du fermier le moins important, savaient qu’ils verraient « le jeune Grandcourt », le neveu de sir Hugo, l’héritier présumé, le futur baronnet, en visite à l’abbaye avec sa jeune femme, après une longue absence ; la froideur qui avait existé entre l’oncle et le neveu ayant fait place à une chaleureuse amitié. La jeune mariée, qui ouvrit le bal avec sir Hugo, fut nécessairement le but de tous les regards. Moins d’un an plus tôt, si, au moyen d’un miroir magique, Gwendolen avait pu voir sa position actuelle, elle se serait figurée animée d’un triomphant plaisir, convaincue de tenir dans ses mains la direction d’une existence pleine de chances favorables dont, avec