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— Eh bien, puisque sa voix est trop faible pour qu’elle puisse crier beaucoup, dit lady Pentreath, je conseillerai à lady Clémentine de la donner comme professeur à mes neuf petites filles, et j’espère que huit, au moins, seront convaincues qu’elles n’ont pas assez de voix pour chanter ailleurs qu’à l’église. À mon avis, nos jeunes filles d’aujourd’hui, en majeure partie, ont besoin de leçons pour ne pas chanter.

— J’ai eu mes leçons pour cela, dit Gwendolen en regardant Deronda ; vous voyez que lady Pentreath est de mon côté.

Pendant qu’elle parlait encore, sir Hugo entra, suivi d’autres messieurs, au nombre desquels se trouvait Grandcourt, et se plaçant au bout de la table, il dit :

— Quelle est la contre-vérité à laquelle Deronda veut vous faire croire, mesdames, pour qu’il se soit glissé tout seul au milieu de vous ?

— Il veut nous faire croire qu’une obscurité est meilleure qu’une célébrité, dit lady Pentreath. Il s’agit d’une jolie chanteuse juive qui doit étonner nos jeunes gens. Vous et moi, qui avons entendu la Catalani dans son printemps, nous ne nous étonnons pas si facilement.

Sir Hugo, avec un sourire de bonne humeur, dit tout en humant une tasse de thé que lui avait préparée sa femme.

— Vous savez, milady, qu’un libéral comme moi est forcé de croire qu’il y a eu des cantatrices depuis la Catalani.

— Ah ! vous êtes plus jeune que moi ! Vous êtes un de ceux qui ont couru après l’Alcharisi ; mais elle s’est mariée et vous a laissés tous bredouille.

— Oui, c’est vraiment triste quand les grandes cantatrices se marient et quittent le théâtre avant d’avoir une fêlure dans la voix. Le mari est un voleur public, dit sir Hugo en posant sa tasse sur la table et en s’éloignant, pendant