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— Peu importe où je mourrai, pourvu que je sois avec vous !

Il ne partit pas avec eux. Un matin, il dit à Deronda :

— Ne me quitte pas d’aujourd’hui ; je mourrai avant la fin du jour.

Il se fit habiller et, comme d’habitude, prit place dans son fauteuil, ayant Daniel et Mirah à côté de lui. Pendant quelques heures, il garda le silence ; il ne fit aucun effort pour parler, se contentant de les regarder de temps en temps avec bonheur, comme pour leur affirmer que, si le peu de respiration qui lui restait était difficile, il sentait en lui un océan de paix. Quand le jour commença à baisser, il prit leurs mains et dit en regardant Deronda :

— Voici la mort qui vient à moi comme le divin baiser, qui est à la fois départ et réunion, qui m’enlève à tes yeux charnels et me fera présent dans ton âme. Où tu iras, Daniel, j’irai. N’ai-je pas insufflé mon âme dans la tienne ? Nous vivrons ensemble.

Il s’arrêta et Deronda attendit, pensant qu’il parlerait encore. Mais, faisant un effort, il serra leurs mains, se leva seul et prononça en hébreu la confession de l’unité divine, qui depuis des générations sans nombre, a été sur les lèvres de l’israélite mourant.

Il retomba doucement sur son fauteuil et ne parla plus. Depuis plusieurs heures, il avait rendu le dernier soupir, que les bras de Mirah et de Deronda l’entouraient encore.

FIN