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Elle réfléchit encore et dit d’un ton pénétré :

— J’espère que vous n’aurez rien à regretter. Vous êtes le même que si vous n’étiez pas juif.

Elle tenait à le bien convaincre que rien ne pouvait affecter la manière dont elle le considérait, ni celle par laquelle il pouvait influer sur elle. Ce malentendu vint en aide à Deronda.

— La découverte, dit-il, a été loin d’être pénible pour moi. Je m’y étais préparé graduellement et j’en ai été heureux. Je suis intimement lié avec un juif très remarquable, dont les idées m’ont tellement attiré, que j’ai entrepris de consacrer la meilleure partie de ma vie à les effectuer, si cela m’est possible.

De nouveau Gwendolen se sentit frappée, de nouveau elle laissa flotter sur lui son regard alarmé. Ce n’est pas qu’elle rattachât ces paroles à Mirah ou à son frère, mais elles lui causèrent un pressentiment de crainte. Il ne pouvait deviner ce qui se passait en elle et chercha le moyen le moins brutal de lui faire sa révélation.

— C’est pour cela, reprit-il, que bientôt je me verrai forcé de quitter l’Angleterre pour quelque temps, pour quelques années. Je compte aller en Orient.

L’énonciation devenait plus claire et par conséquent l’agitation de Gwendolen plus grande.

— Mais vous reviendrez ? dit-elle sans pouvoir retenir ses larmes.

— Si je vis, dit-il, quelquefois.

Il ne pouvait se décider à lui en apprendre davantage, à moins qu’elle ne le questionnât.

— Qu’allez-vous faire ? lui demanda-t-elle d’une voix timide. Puis-je comprendre vos idées, ou suis-je trop ignorante ?

— Je vais en Orient pour mieux connaître la condition de mes frères dans divers pays. L’idée dont je suis possédé