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Il se dit que, s’il s’en emparait, il pourrait partir et échapper ainsi aux restrictions qui lui étaient imposées ; ce qui appartenait à Deronda ne faisant qu’un avec ce qui appartenait à ses enfants, leur père ne serait pas poursuivi s’il la dérobait. Lapidoth n’avait pas encore commis de vol ; le vol est une sorte d’appropriation punie par la loi ; mais prendre cette bague d’un parent ou d’un ami, ce n’était pas un vol à ses yeux. Cependant, il préférait descendre, attendre la sortie de Deronda et lui faire la demande qu’il avait projetée. Il se leva et alla regarder par la fenêtre, sans cesser de voir ce qui était derrière lui. Malgré tout, il voulait descendre. Mais il arriva qu’en frôlant la petite table, ses doigts touchèrent la bague, et, sans savoir comment, il se trouva hors de la chambre, le bijou dans sa main. Il s’ensuivit qu’il prit son chapeau et quitta la maison. L’impossibilité de revenir chez ses enfants ne le troubla pas, et, avant d’avoir franchi la grille du square, il se voyait déjà ayant vendu la bague et s’embarquant sur un navire.

Deronda et Ezra s’aperçurent à peine de sa sortie ; mais Mirah étant rentrée peu après, il y eut une interruption forcée. Elle n’avait pas encore ôté son chapeau, que Daniel s’était levé pour lui serrer la main. Confuse et embarrassée, elle dit en rougissant :

— Je ne suis revenue que pour m’assurer si on a donné à Ezra sa nouvelle tisane, car je dois aller chez madame Meyrick.

— Permettez moi de vous accompagner, dit Deronda. Je ne veux pas fatiguer Ezra davantage, et puis j’ai le cerveau en feu. J’ai besoin, comme vous, de voir madame Meyrick. Puis-je y aller avec vous ?

— Oui, répondit-elle en rougissant plus fort, car elle voyait bien que quelque chose d’insolite se passait dans l’esprit de Daniel. — Elle s’empressa de sortir pour chercher la boisson de son frère. Pendant un instant, Deronda ne pensa