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demanda la permission de rester et d’écouter la lecture des papiers contenus dans le coffre ; il se rendit même utile en déchiffrant un manuscrit difficile en vieil allemand. Il alla jusqu’à suggérer l’idée d’en faire une transcription et de recopier en outre d’autres originaux en mauvais état. La vue d’Ezra, disait-il, était affaiblie, au lieu que la sienne était encore très bonne. Deronda accepta l’offre en voyant un air de satisfaction sur la figure d’Ezra, qui, néanmoins, dit aussitôt que ce devait être fait sous ses yeux, ne pouvant laisser les papiers sortir de sa présence, par crainte d’un accident quelconque. Le pauvre malade ressemblait à un geôlier qui est condamné à surveiller ; s’il avait laissé son père seul, il n’aurait pas cru qu’il travaillait de bonne foi. Lapidoth s’imposa une rude contrainte pour gagner les bonnes grâces de Deronda, mais la présence de ce père importun élevait entre lui et Mirah une barrière nouvelle et impalpable, chacun d’eux redoutant d’être souillé par les déductions de son esprit, chacun d’eux interprétant faussement leur réserve et leur défiance. Un temps bien long se serait écoulé de la sorte, si une nouvelle lumière n’était venue éclairer Deronda.

Aussitôt après son court séjour à l’abbaye, il avait été voir Hans Meyrick, à l’amitié duquel il se croyait obligé de faire connaître les vrais motifs de son dernier voyage et les changements qui en résultaient pour lui. Mais Hans ne se trouvait pas à la maison et on le croyait à la campagne pour quelques jours. Daniel lui ayant laissé un mot, attendit une semaine sa réponse. Comme celle-ci se faisait trop attendre, et qu’il craignait un nouveau caprice du trop susceptible artiste, il alla lui faire une seconde visite et fut introduit dans son atelier, où il le trouva en petite jaquette, sans gilet, ses longs cheveux encore humides du bain qu’il leur avait fait prendre, avec l’air d’un homme