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répondit Gwendolen qui, malgré elle, donna des signes de frayeur.

— Obligez-moi de me dire la raison pour laquelle vous refusez de porter ces diamants quand je le désire, dit Grandcourt, les yeux fixés sur elle avec plus de ténacité que jamais.

À quoi bon se révolter ? Elle n’avait rien à répondre ; elle remonta dans sa chambre. En sortant les diamants de leur écrin, il lui sembla que son opposition à les porter avait éveillé dans l’esprit de son mari le soupçon qu’elle savait quelque chose, et qu’il se faisait un plaisir de la torturer.

— Il aime à persécuter ses chiens et ses chevaux, se dit-elle en frissonnant, il en fera de même avec moi, je serai persécutée. Que me reste-t-il à faire ? Je n’irai pas crier au monde : « Ayez pitié de moi ! »

Elle allait sonner sa femme de chambre, quand elle entendit que l’on ouvrait sa porte. C’était Grandcourt.

— Vous avez besoin de quelqu’un pour vous les attacher, dit-il en s’approchant.

Elle ne répondit rien, s’efforça de demeurer calme et le laissa lui attacher les bijoux comme il le voulait. Indubitablement il avait eu l’habitude d’agir de même avec une autre. Dans une amertume sarcastique contre elle-même, elle se dit : — Quel superbe privilège de les avoir volés à cette femme !

— Pourquoi avez-vous si froid ? lui demanda Grandcourt après avoir attaché la dernière boucle d’oreille. Mettez vos fourrures. Je ne puis souffrir qu’une femme ait l’air gelé. Puisque vous allez vous montrer en jeune mariée, faites-le décemment.

Cette petite allocution maritale, bien que n’étant pas parfaitement persuasive, piqua au vif l’orgueil de Gwendolen et la força de redevenir elle-même. Les horribles