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Elle tendit silencieusement la main à madame Meyrick au lieu de l’embrasser comme elle le faisait toujours. Mais la petite mère l’attira vers elle, la baisa sur le front et lui dit avec bonté :

— Dieu vous bénisse, chère enfant !

Mirah sentit qu’elle avait un peu offensé sa vieille amie en réprimandant ainsi Hans ; elle souffrit davantage à l’idée d’avoir montré une orgueilleuse ingratitude et une affirmation de supériorité inconvenante. La petite mère avait deviné cette cuisante douleur.

Pendant ce temps-là, Hans, qui s’était approché de la porte, s’apprêtait à l’ouvrir pour Mirah.

— Tu ne vas pas reconduire Mirah, Hans, dit Mab avec une tendresse fraternelle finement déguisée ; je suis sûr qu’elle te refuserait. Tu as été si désagréable aujourd’hui.

— Je l’accompagnerai pour veiller sur elle, si elle ne me le défend pas, dit Hans en ouvrant la porte.

Mirah ne répondit pas, et, quand ils furent sortis et qu’il eut tiré après lui la porte d’entrée, il marcha à côté d’elle sans qu’elle s’y opposât. Elle n’eut pas le courage de recommencer à lui parler, se disant que peut-être elle avait été trop sévère dans ses expressions, et trouvant cependant des mots encore plus sévères dans son cœur. En outre, une foule de pensées pénibles l’oppressaient.

Hans aussi avait l’esprit occupé. La colère de Mirah venait d’éveiller son attention et, avec elle, la sensation douloureuse qu’il était un butor de ne l’avoir pas eue plus tôt. En supposant que le cœur de Mirah fut entièrement pris par le souvenir de Deronda sous un tout autre caractère que celui de bienfaiteur de son frère, cette supposition était accompagnée d’anxiétés qui, il faut lui rendre cette justice, n’étaient pas entièrement égoïstes. Il avait la persuasion qu’un sérieux attachement régnait entre Deronda et madame Grandcourt ; les observations qu’il avait personnellement