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pour dire l’air : Lascia ch’io pianga[1], à peu près comme son professeur. Piano et chant se turent en même temps. Mirah, qui accompagnait, tressaillit involontairement, le craquement du papier lui ayant fait l’effet d’un coup de tonnerre, et Mab s’écria :

— Hans, pourquoi fais-tu un bruit plus abominable que mon chant ?

— Quelles nouvelles surprenantes apportes-tu ? demanda madame Meyrick. — Amy et Kate étaient sorties. — Est-ce une correspondance d’Italie ? Les Autrichiens ont-ils quitté Venise ?

— Ce n’est rien sur l’Italie, mais quelque chose d’Italie, répondit Hans avec une particularité de ton et de manière qui intrigua sa mère.

— Rien de mauvais, j’espère ? dit anxieusement celle-ci, qui pensa aussitôt à Deronda, en même temps que le cœur de Mirah palpitait à la même pensée.

— Rien de mauvais pour personne qui nous intéresse, dit Hans ; c’est, au contraire, très heureux, à mon avis. Jusqu’à présent, je n’ai pas encore vu mourir si à propos. En considérant quelle espèce d’animal je suis, je m’étonne à toute heure d’être encore en vie.

— Hans ! s’écria Mab impatientée, si c’est pour parler de toi, choisis un autre moment. Qu’est-il arrivé ?

— Le duc Alphonso s’est noyé, mais la duchesse est vivante : voilà tout, répondit Hans en mettant le journal sous les yeux de sa mère et en lui désignant l’article avec son doigt. Ce qu’il y a de plus curieux, c’est que Deronda était dans le même hôtel qu’eux et qu’il l’a vu rapporter par les pêcheurs qui l’avaient retirée de l’eau à temps. Il paraît qu’elle avait sauté dans la mer après son mari ; ce qui était une action moins judicieuse que je ne m’y serais attendu de la part de

  1. Air célèbre de l’opéra Rinaldo de Haendel. (Note du trad.)