Page:Eliot - Daniel Deronda vol 2&3.djvu/301

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Je veux reconnaître votre bonté pour moi, monsieur, par une entière confiance, répondit Deronda. Mais je ne puis simplement répondre à vos questions par un oui ou par un non. Ce que j’ai appris du passé m’a peiné. Ç’a été aussi un profond chagrin pour moi de retrouver ma mère et de la quitter si vite dans son état de souffrance, comme j’ai été contraint de le faire. Toutefois, ce qui n’est pas une peine, ce dont je suis plutôt reconnaissant, c’est que mes doutes soient éclaircis, c’est que je connaisse mon extraction. Ma gratitude envers vous, monsieur, restera toujours la même, et jamais je n’oublierai les soins paternels et l’affection dont vous m’avez entouré. Cependant, savoir que je suis né juif peut avoir sur ma vie une influence considérable dont je ne me sens pas capable de vous parler à présent.

Le baronnet lui lança un regard scrutateur et garda un moment le silence pour tâcher d’interpréter ses paroles : puis il dit :

— J’ai toujours attendu de toi quelque chose de remarquable, Dan ; mais, pour amour de Dieu, point d’excentricité ! Je puis tolérer une divergence d’opinion chez un homme, mais il faut qu’il s’exprime avec raison et non comme un fou. Comprends-moi bien. Je ne te soupçonne pas de vouloir faire une folie ; je crois seulement que tu pourrais te laisser accaparer par un fou, surtout s’il a besoin d’être défendu. Tu as la passion de te mettre du côté des opprimés, Dan. Je ne partage pas tout à fait ta manière de voir ; je souffre pour eux, mais je n’y puis rien. Cependant, je ne te demande pas d’anticiper sur les confidences que tu as à me faire. Si la chose pour laquelle tu te décideras exige de l’argent, j’ai seize mille livres d’accumulées pour toi, en sus de ton revenu. Maintenant que me voilà ici, je suppose que tu voudras retourner en Angleterre dès que tu le pourras.

— Je dois d’abord aller à Mayence réclamer un coffre