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— Voulez-vous être assez bonne pour me dire de quoi vous avez à vous plaindre ? demanda Grandcourt en la regardant bien en face. Est-ce parce que je reste avec vous entre quatre murs ?

Elle ne put rien répondre ; elle ne trouvait pas un mot pour excuser sa colère. Dans le conflit que se livraient son désespoir et son humiliation, elle ne put retenir ses larmes, qui coulèrent sur ses joues. Jamais encore elle n’avait été dans une telle agitation en présence de son mari.

Après un moment de silence, il lui dit :

— J’espère que cela vous aura fait du bien. En tout cas, c’est diablement désagréable !.. Je ne sais ce que les femmes trouvent de bon à cela. Vous voyez sans doute quelque chose à y gagner. Quant à moi, la seule que j’y voie, c’est que nous sommes enfermés ici quand nous pourrions avoir une délicieuse promenade en mer.

— Eh bien, allons-y donc ! s’écria-t-elle impétueusement. Peut-être nous noierons-nous !

Et ses sanglots recommencèrent de plus belle.

Cette manière d’être insolite, dont Deronda était évidemment la cause, détermina Grandcourt à parler clairement. Il s’assit en lace d’elle et lui dit :

— Soyez calme et veuillez m’écouter.

Ces paroles eurent un effet magique. Elle frémit et cessa de pleurer ; mais elle tint ses yeux baissés et croisa convulsivement les mains.

— Comprenons-nous bien l’un l’autre, reprit Grandcourt. Je sais fort bien ce que cette absurdité signifie. Mais, si vous supposez que je vous laisserai faire de moi un sot, renoncez à cette idée. Que pensez-vous qui vous attende, si vous ne pouvez vous conduire convenablement comme ma femme ? Ce serait un malheur pour vous s’il en était ainsi. Quant à Deronda, il est manifeste qu’il s’attache à vos pas.