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— Ah ! fit sir Hugo en lançant un regard significatif à Daniel, le fait est qu’il est désespérant de vouloir flatter une jeune femme. On quitte la partie de désespoir. Elle a été tellement rassasiée de douces paroles, que tout ce que nous pourrions dire lui semblerait fade.

— C’est bien vrai ! s’écria Gwendolen en penchant la tête et en souriant. M. Grandcourt n’a réussi à gagner mon cœur que par des compliments bien tournés. Si un seul mot n’avait pas été à sa place, ç’aurait été fatal.

— Entendez-vous cela ? demanda sir Hugo au mari.

— Oui, répondit Grandcourt sans changer de contenance. Je vous assure qu’il est diablement dur de toujours avoir à veiller sur soi.

Tout ceci parut à sir Hugo un badinage naturel entre un tel mari et une telle femme. Quant à Deronda, il s’étonnait des trompeuses altérations des manières de Gwendolen, qui, tantôt, avait l’air d’invoquer la sympathie par une indiscrétion enfantine, et, tantôt, de la repousser par une dissimulation hautaine. Il s’éloigna d’elle pour se rapprocher de miss Juliette Fenn, jeune personne que nous avons déjà rencontrée et dont le peu de beauté ne pouvait exciter la jalousie de Gwendolen. Mais, quand ils furent arrivés dans les cuisines, — partie de l’ancien bâtiment en parfait état de conservation, — toutes les beautés en furent gâtées pour elle, et les explications de sir Hugo sur leur sujet lui devinrent importunes, parce que Deronda discourait pour les autres dames et se tenait loin d’elle. De plus, M. Vandernoodt, qui avait toujours la manie de décrire une chose pendant que l’on en regardait une autre, lui fut insupportable par son insistance à lui détailler la cuisine de lord Blough, qu’il avait vue dans le nord de l’Angleterre.

— Je vous en supplie, ne nous demandez pas de voir à la fois deux cuisines ! la chaleur en devient double. Réelle-