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Mirah aurait-elle été blessée en découvrant que la volonté de son frère, ou sa ténacité de conviction, avait agi d’une façon coercitive sur leur amitié ? Mais il n’était pas dans le vrai quand il admettait l’idée que Mordecai avait rompu avec sa réticence caractéristique. À personne au monde il n’aurait révélé l’histoire de leurs relations ou de sa confiance dans la naissance juive de son ami : ce n’est pas qu’il aurait cru ces sujets trop sacrés pour en parler sans une raison puissante, mais parce qu’il avait discerné que Deronda redoutait toute allusion à son extraction ; et la réserve qui avait empêché Mordecai de répondre à sa question sur une affaire privée de la famille Cohen était encore plus nécessaire en ce qui le regardait, et devait lui répondre de sa discrétion.

— Ezra, lui avait dit un jour Mirah, comment se fait-il que je parle continuellement à M. Deronda comme s’il était juif ?

Mordecai sourit doucement et dit :

— C’est peut-être parce qu’il se regarde comme notre frère. Mais il n’aime pas qu’on l’interroge sur sa naissance.

— Il n’a jamais connu ses parents, m’a dit M. Hans, continua Mirah, pour qui la question était nécessairement intéressante.

— Ne cherche pas à savoir de telles choses de M. Hans, dit gravement Mordecai en lui mettant la main sur la tête et en caressant les boucles soyeuses de ses cheveux, ce qu’il aimait à faire souvent. Quand Daniel Deronda voudra que nous sachions quelque chose de lui, il nous le dira lui-même.

Et Mirah se sentit réprimandée comme l’avait été Daniel, mais elle était fière d’être réprimandée par son frère.

— Je ne vois personne d’aussi grand que mon frère, dit-elle à madame Meyrick, un jour que, revenant chez elle, ses pas la conduisirent à la petite maison de Chelsea. Je puis