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à le chercher, dit Deronda, qui, pensant devoir en finir, se leva.

Il fut décidé qu’il reviendrait chercher Mordecai le surlendemain ; mais celui-ci voulut le reconduire jusqu’au bout de la rue. Il s’enveloppa de son surtout et de son cache-nez, car cette soirée de la fin de mars était encore glaciale. Deronda, qui ne voulait pas le laisser aller trop loin, comprit néanmoins son désir de sortir après cet entretien si plein d’émotion. Ils n’échangèrent pas un mot avant que Daniel, au moment de quitter Mordecai, lui dit :

— Mirah voudra sans doute remercier les Cohen de leurs bontés pour vous. Désirez-vous qu’elle aille les voir ?

Il ne répondit pas tout de suite. Après une pause, il dit :

— Je ne sais pas. Je crains que cela ne se puisse. Il y a un chagrin de famille, la vue de ma sœur pourrait rouvrir la blessure. Il y a une fille, une sœur qui ne sera jamais restituée, comme Mirah. Mais qui connaît les voies du Seigneur ? Tous, nous refusons ou nous accordons nos prières, et les hommes, dans leur insouciance, ne savent souvent pas ce qu’ils font. J’ai dans les oreilles les prières des générations passées et de celles à venir. Ma vie n’est rien pour moi que le commencement de l’accomplissement ; et cependant je ne suis qu’une autre prière que vous compléterez.

Ils se serrèrent les mains et se séparèrent.